- PAPILLOMES VIRAUX
- PAPILLOMES VIRAUXLes papillomes sont des tumeurs bénignes de la peau et des muqueuses, à prédominance épithéliale, caractérisées par une hypertrophie des papilles que présente normalement la partie superficielle du derme de la peau ou du chorion des muqueuses.Les causes en sont très diverses: infections par des virus (verrue vulgaire, papillomatoses animales), des bactéries (tuberculose verruqueuse, syphilis) et des champignons (sporotrichose, actinomycose); irritations chroniques mécaniques ou chimiques. À ce dernier type de lésions se rattachent les papillomes cutanés provoqués chez les animaux de laboratoire à la suite d’applications répétées d’hydrocarbures cancérigènes dérivés des goudrons de houilleLes papillomes viraux présentent un grand intérêt en cancérologie. Historiquement, le virus du papillome du lapin (R. Shope, 1933), qui détermine des tumeurs épidermiques bénignes se transformant fréquemment en cancers (P. Rous et J. Beard, 1935), a été l’objet des premières recherches sur la carcinogenèse virale chez les Mammifères. Actuellement, les papillomes viraux restent des modèles d’analyse de l’oncogenèse virale dans les conditions naturelles. Leur étude révèle, en effet, l’importance de facteurs tels que la spécificité d’hôte et de tissu ou l’action de substances cocarcinogéniques, qui n’interviennent pas dans les conditions expérimentales d’étude des autres virus oncogènes à acide désoxyribonucléique ou ADN (polyome, SV 40, adénovirus), chez l’animal ou en culture de tissu.Caractères générauxDes papillomes cutanés ou muqueux en général multiples (papillomatoses), présentant des caractères variables selon l’hôte et le siège, se trouvent avec une grande fréquence chez de nombreuses espèces animales: lapin, chien, cheval, bovins (fics) et homme (verrues). Ces lésions sont constituées par des axes conjonctifs plus ou moins ramifiés (papilles hypertrophiées) recouverts d’un épithélium hyperplasique (fig. 1). Les papillomes cutanés sont habituellement d’une consistance dure en raison de la présence d’une épaisse couche de cellules kératinisées (hyperkératose) et, parfois, d’une prolifération des cellules conjonctives dermiques (fibropapillomes bovins).TransmissionLa transmissibilité des papillomes à l’aide d’extraits acellulaires est connue depuis longtemps (dès 1907, étude par G. Ciuffo). En général, la maladie n’est transmissible qu’à l’espèce infectée dans les conditions naturelles ou à des espèces très voisines: transmission des papillomes du lapin Cottontail (Sylvilagus floridanus ) au lapin domestique (Oryctolagus cuniculus ). Le virus du papillome bovin représente cependant une exception puisqu’il détermine l’apparition de tumeurs conjonctives sous-cutanées (fibromes) chez le cheval, le hamster et la souris.Certains de ces virus présentent une spécificité tissulaire étroite. Les virus des papillomes cutanés du lapin et du chien n’infectent que les cellules épidermiques germinales; ils sont distincts des virus responsables des papillomes de la muqueuse orale chez ces animaux. Chez l’homme, le même virus est à l’origine des différentes formes de verrues cutanées (verrue vulgaire, verrue plane), des muqueuses génitales (condylome accuminé), ou de certains papillomes du larynx. Le pouvoir pathogène de ce virus reste toutefois limité aux cellules de l’épithélium de la peau ou de ces muqueuses. Le virus du papillome bovin, par contre, détermine chez son hôte naturel, en plus des lésions cutanées, des fibropapillomes des muqueuses vésicale et génitale et diverses tumeurs fibroblastiques dont le siège varie selon le point d’inoculation (méninges, rumen, langue).ÉvolutionRégressionLes papillomes viraux régressent fréquemment. Ce phénomène s’observe chez le poulain et le veau lors du passage à l’état adulte. Il intervient dans 30 p. 100 environ des cas pour la verrue humaine. Des expériences de vaccination à l’aide de suspensions de cellules tumorales ont montré, chez le lapin, que la régression est due à une réaction spécifique de l’hôte à un néo-antigène tumoral localisé à la surface de la cellule de papillome. La régression fréquente des verrues humaines par autosuggestion échappe cependant encore à toute interprétation.Transformation cancéreuseLes papillomes conservent ordinairement leur caractère bénin durant toute leur évolution. Il n’en est pas cependant ainsi pour les papillomes cutanés du lapin qui évoluent avec une fréquence élevée (de 25 à 75 p. 100) en carcinomes malins, lesquels envahissent les tissus sous-jacents et métastasent. Cette évolution est favorisée par application sur les papillomes de carcinogènes chimiques (goudrons, méthylcholanthrène). Inversement, l’injection intraveineuse du virus du papillome à des lapins soumis à un traitement préalable par des goudrons entraîne une cancérisation rapide des papillomes cutanés préexistants (P. Rous et J. Kidd, 1936).Une évolution vers la malignité est observée chez l’homme au cours d’une maladie très rare, l’épidermodysplasie verruciforme (F. Lewandowsky et W. Lutz, 1922) caractérisée par la présence de nombreuses verrues planes qui peuvent se transformer en carcinomes. Cette évolution est liée à des propriétés anormales de la peau génétiquement conditionnées.Propriétés des virus des papillomatosesLes virus des papillomatoses constituent un groupe homogène de virus à symétrie cubique, sans enveloppe, dont la capside comporte 72 capsomères et dont le diamètre est de 55 nm. Ce sont des virus à ADN dont le génome est formé par une molécule bicaténaire, circulaire, super-torsadée, de poids moléculaire égal à 8,4 憐 10-21 kg.Les divers virus des papillomes ne présentent aucune parenté antigénique et diffèrent entre eux par la structure primaire de leur ADN (pourcentage en guanine-cytosine variant de 41 à 47). Ils diffèrent des virus du polyome et SV 40, dont le diamètre est de 45 nm et dont l’ADN a un poids moléculaire de 5,03 憐 10-21 kg.Pouvoir pathogène en culture de tissuLes virus des papillomes ne se multiplient pas et ne provoquent pas, en général, de transformation cellulaire en culture de tissu. Ces caractères, qui les opposent aux autres virus oncogènes à ADN, sont vraisemblablement liés à leur grande spécificité tissulaire. Le virus du papillome bovin détermine cependant in vitro une transformation morphologique de cellules fibroblastiques de bovins et de souris, sans que la malignité de ces cellules ait été démontrée.Contrôle de l’expression du génome viral dans la cellule tumoraleLe degré d’expression du génome viral est variable selon l’origine, épithéliale ou conjonctive, de la cellule tumorale et, pour les cellules épithéliales, selon l’état physiologique de la cellule tumorale et le stade d’évolution de la tumeur:– Lorsque les papillomes comportent à la fois une prolifération des cellules épithéliales et des cellules conjonctives, l’expression complète du génome viral, c’est-à-dire la production de virions, n’est observée que dans les cellules épithéliales.– Dans les assises cellulaires en prolifération de l’épiderme des papillomes cutanés, les fonctions virales tardives (synthèse de l’ADN viral et des protéines de la capside virale, assemblage des virions) sont totalement réprimées (fig. 2). L’expression partielle du génome viral se traduit par une stimulation de la division de ces cellules et par l’induction de l’antigène tumoral impliqué dans la régression. Dans les assises cellulaires en voie de kératinisation issues de la migration des précédentes vers la surface de la tumeur, les fonctions virales tardives sont déréprimées (F. Noyes et R. Mellors, 1957). Le virus infectieux ne peut donc être mis en évidence que dans des cellules en voie de kératinisation ou kératinisées. Dans les papillomes muqueux non kératinisants, le virus n’est également produit que dans les assises cellulaires superficielles non proliférantes.– Après transformation des papillomes du lapin en carcinomes, le virus ne peut plus être isolé, bien que la synthèse de très faibles quantités de virus soit décelable par des réactions immunologiques. De même, le virus de la verrue ne peut plus être mis en évidence, après transformation des verrues en cancers, chez les malades atteints d’épidermodysplasie verruciformeEn raison du masquage du virus, les cellules en prolifération des papillomes, ou des carcinomes qui en dérivent, présentent ainsi de nombreuses analogies avec les cellules transformées in vitro ou cancérisées in vivo par les autres virus oncogènes à ADN.
Encyclopédie Universelle. 2012.